12/05/2005 - L'instrumentalisation par la télé du drame de Pau
Télérama - 12/05/2005
Si je n'étais pas si affectée, je lèverais mon verre à la santé ... mentale. Si l'instrumentalisation par la télé du drame de Pau ne m'affligeait pas, je porterais un toast à notre noble institution, où nous tous, personnel (soignant ou non) et personnes soignées, trinquons déjà depuis longtemps dans la plus grande indifférence.
L'institution psychiatrique, mise en demeure de traiter tous les travers de notre société, est aujourd'hui atteinte au plus profond de son "humaine condition". On serait bien naïf de croire qu'une réponse sécuritaire comblera les manques de structures, de lits, de personnel qualifié, de personnel tout court ...
Et pourtant le ton est donné. La télé s'empare des faits, réduisant la complexité de la maladie mentale à une forme unique de ses manifestations : la violence. Et d'illustrer son propos en multipliant les exemples. Que retiendra le téléspectateur ? Que le malade mental, avant d'être un sujet souffrant, est un individu violent et l'institution incapable de protéger les citoyens. Pire : elle en est elle-même la victime. Le comble ? Elle va même jusqu'à "libérer" l'auteur d'un double parricide. La démonstration est faite, le message suffisamment allusif. De là à conclure que tous les malades mentaux sont des assassins en puissance, il n'y a qu'un pas.
Annie Hélary,
Infirmière de secteur psychiatrique
Annie Hélary était l'invitée de l'émission "Les Matins" sur France Culture le mardi 25 janvier 2005.